"Il y a une seconde,
je ne te voyais que dans mes rêves.
Maintenant tu es là ,
petit être offert au creux de mon bras.
Vais-je te reconnaître ?
De mon regard affamé,
je dessine la ligne de tes paupières,
je me roule dans la rondeur de tes joues,
je me noie dans les plis de ton cou.
A présent, je sais.
Je n'aurai jamais assez d'une vie
pour m'emplir les yeux de toi."
Extrait de Murmures à un bébé qui vient de naître de Anne-Laure Fournier Le Ray
Mon ventre est recousu, je sors du bloc, mon mari soulagé et heureux m'embrasse il nous suit jusqu'à la petite salle de naissance où je reste sous surveillance avec un gros poids posé sur l'abdomen. Les pédiatres lui ont montré nos filles, avant de partir d'un bon pas, chacune un bébé dans les bras au service de réanimation néonatale. Il n'a pas eu vraiment le temps de réaliser en voyant toute l'équipe sortir du sas, il a apperçu deux petits visages tout emmaillotés, tout a été trés vite. Il pourra les voir seulement dans deux heures une fois qu'elles seront installées dans leurs couveuses. Nous sommes impressionnés par leur petite taille malgré tout ce que nous avions pu nous imaginer.
L'écran au dessus de ma tête bipe régulierement m'empêchant de m'assoupir, à plusieurs reprises mon compagnon revient auprés de moi malgré le laps de temps que la puéricultrice lui avait indiqué, on lui demande d'attendre encore et encore.
La lumière du jour s'aténue peu à peu, il repart et n'est de retour que bien plus tard, deux photos dans les mains. Son visage est un peu tourmenté, l'attente si longue est due à l'installation minutieuse de nos filles et aux premiers soins qu'elles ont reçu. Ce n'est pas Elena qui a posé problème mais Camille, ses poumons ne sont pas mûrs, la cure de corticoïdes n'a pas eu l'effet prévue, sur elle. Elle creuse beaucoup le ventre pour respirer, son père est un peu choqué de la voir lutter ainsi. Les médecins ne sont pas spécialement inquiets, il faut attendre. Une puéricultrice les a pris en photo pour que je les voie, elles paraissent plus grosses sur les images, seulement vêtues d'une couche qui paraît immense, un petit bonnet et tout l'équipement : un petit masque leur cachant la presque totalité du visage et retroussant le nez d'Elena, des électrodes, un cathéter posé sur l'ombilic et un capteur sur le pied.
Ces photos sont dures (même encore aujourd'hui) mais il s'agit de la réalité de leur naissance que l'on aurait voulu toute autre.
Je les garde tout prés de moi. J'attends à présent que l'on m'emmène à la maternité, la nuit est noire, mon époux rentre se coucher. Le temps s'égrenne dans le service, devenu plus silencieux puis j'entends les plaintes et les cris des femmes dans les autres salles, elles sont en train de donner la vie, moi aussi je suis de nouveau mère, même si mes enfants sont dans le service d'à côté...
Commentaires