Je reprends mes marques chez moi auprés de ma famille, la sensation de liberté par rapport à l'enfermement de l'hôpital m'est bienfaisante. Même si un peu déboussolée parfois, il m'arrive de laver les fruits et les légumes à outrance et de refuser un verre de vin alors que je ne suis plus enceinte...
L'absence de me bébés se fait ressentir mais j'essaie de ne pas trop me laisser envahir par la tristesse, le fait de pouvoir donner un appel téléphonique à tout moment est important, l'impression de maintenir le lien 24h/24H. Aprés avoir laissé mon garçon à la maternelle je file à l'hôpital, nos filles passent les étapes de bon nombre d'enfants prématurés, les apnées s'espacent, mais la jaunisse s'installe. Parfois elles sont plus fatiguées des soins et moins sensibles à notre présence. Des hauts et des bas se succèdent. C'est un parcours avec parfois des retours en arrière. Le temps n'existe plus, notre vie s'adapte à la leur : au jour le jour.
Ce n'est pas un endroit où l'on peut projetter l'avenir avec des certitudes, la patience est la qualité première des gens qui travaillent dans ce service, elle devient aussi celle des parents que nous sommes.
17 février 2004
Cette date me réserve une bonne surprise, pour la première fois,depuis leur naissance il y a 8 jours, je vais pouvoir prendre mes bébés ! calée dans un fauteuil, la puéricultrice m'installe chacune de mes filles contre moi, aprés les avoir débranché, et rebranché hors des couveuses, une tâche minutieuse et complexe. Elles ne doivent pas prendre froid, je les prends sous ma blouse et elle les recouvre des petites couvertures que j'avais amené avec leurs doudous, comme un trousseau de nouveaux-nés à terme ou presque...
Je n'ose plus bouger, elles ont l'air de se sentir bien, leurs petits poings serrés en témoignent, c'est un grand bonheur, moment court et intense, elles dorment paisiblement contre moi, nous ne sommes plus que toutes les trois dans la pièce, seul le bruit des machines entrecoupent notre précieuse intimité. Je redoute les apnées mais je connais à présent la technique de la chatouille sous le pied pour y palier et les soignants ne sont jamais bien loin... on me proposera aussi de changer les micro-couches, mes premiers gestes de soins pour elles...
Les jours suivants, nous avons chacune la notre avec leur papa. Nous pensons qu'elles ont conservé la mémoire de ces instants forts, bien longtemps aprés à la maison, les mêmes premiers gestes d'apaisement et le son de nos voix suffisaient à les endormir.
Le week-end suivant, notre fils sera autorisé à découvrir ses petites soeurs pendant quelques minutes. Auparavant la pédopsychiatre lui expliquera leur petite taille et commentera les installations. Il les trouvera "belles" et comme à son habitude sera plus curieux de la tenue qu'il a dû revetir et de l'environnement, que choqué. Ensuite il m'attendra avec son papa puis avec moi dans une petite salle, le temps que nous restions un peu avec ses soeurs. A la sortie de l'hôpital, je dis à mon époux "je crois qu'Elena m'a souri",à lui aussi, il n'en était pas sûr mais nous avons bien vu tous deux ce" sourire" appellé réflexe par les médecins mais qui a mis du soleil dans nos coeurs !
Mes parents a tour de rôle pourront également les voir ainsi que ma soeur, leur réaction nous fera du bien et nous aidera à prendre un peu de distance, bien sûr ils seront impressionnés par leur petite taille mais les trouveront belles même si petites.
Encore vulnérables, la curiosité des gens autour de nous, nous agacent quelque peu parfois, pour certains, elles sont nées donc plus de problème, tout va bien. Chacun connaît dans son entourage plus ou moins proche un ancien prématuré qui....
Ce n'est pourtant pas anodin pour nous de voir le temps passer sans elles et d'attendre leur transfert en néonatologie. Le moment du départ le soir est particulièrement difficile, je repousse les minutes mais il faut bien se résoudre, même si à ce moment là l'une des deux se met a pleurer, j'appelle alors un (des hommes aussi ont choisi d'être puéricultrice) ou une soignante pour qu'il ou elle essaie de voir la cause des pleurs et je me retrouve dans la nuit noire de février le coeur gros.
Les apnées se faisant plus rares, je sonne un aprés-midi en réa mais l'on m'informe qu'elles sont en néonatologie, mon coeur ne fait qu'un bond (de joie!). Même si les équipements médicaux sont toujours présents et indispensables, le décor en néonatologie fait plus penser à une maternité : petits biberons alignés, grand canapé et fauteuil pour s'installer avec les bébés, dés qu'ils sont capables de prendre un peu de lait dans un biberon, la lumière du jour donnant dans les "chambres", petits chevets de couleur, tout cela efface un peu l'aspect technique et amène de la chaleur. Mes filles sont encore en couveuses mais elles sont habillées, c'est la première fois que je les voie ainsi, je vais pouvoir enfin amener les bodys taille 0 et les chaussettes que je leur ai acheté...
Elles ont toujours le "gavage", Camille mange plus que sa soeur qui prend du poids moins vite. La quantité de lait est adaptée en douceur, en fonction de ce qu'elles peuvent supporter. Les examens de tout ordre continuent mais aujourd'hui c'est une grande étape de franchie et j'espère fort qu'il n'y aura pas de retour en réa, ce qui peut arriver quelquefois. Chaque gramme pris est une petite victoire et les rapproche de la sortie, même si le chemin paraît encore bien long.
Camille sort la première de la couveuse avec pour seul équipement, la sonde de gavage pour la nuit car elle commence à prendre au biberon. Elena est un peu à la traîne et a besoin de petites lunettes à oxygène, elle qui n'avait pas eu de problème respiratoire particulier. l'écart de poids s'accentue entre elles et c'est un peu dur de pouvoir enfin s'occuper plus de l'une que de l'autre. J'inscris mon nom sur le tableau face aux horaire des biberons et du bain, je suis autorisée à les donner à Camille, j'ai amené l'appareil photo et une petite stagiaire en formation photographie le premier bain que je donne à ma fille !
Aujourd'hui, 3 ans jour pour jour, nos filles étaient sauvées mais nous ne le savions pas encore...
Des commentaires sur plusieurs points :
1) Moi même, mère d'un très grand préma né à 26 SA + 4 (Si c'est important!), je conçois tout à fait le problème que cela pose de se trouver dans une chambre de maternité avec une maman accompagnée de son bébé. On est déjà assez blessé et révolté de cet éloignement (et de la vie en suspend qui nous attend en réanimation) pour que le bonheur (tout à fait légétime) d'une famille vienne nous briser définitivement le coeur. Il y a des situations où une mère ne peut plus bânir ses sentiments. N'aie pas honte de les avoir repoussé quelques instants ces parents qui n'y étaient pour rien !
2. Le SAS. Oui, c'est un SAS entre deux mondes comme tu le décris si bien.Comme des sportifs se conditionneraient au vestiaire pour affronter les épreuves à venir, nous cherchons aussi la force de faire bonne figure, face au personnel soignant si dévoué.
3. Concernant ton arrivée en néonatologie que tu décris comme un environnement plus proche de la maternité; pour ma part, mon impression a été l'inverse. A l'hôpital de Toulouse, le service de réanimation pédiatrique est très coloré, décoré avec des posters et mobiles enfantins. Chaque chambre est comme un petit nid douillet avec une jolie étiquette-prénom sur la porte d'entrée. Nous avions le droit d'apporter décoration et musique.
L'arrivée en néonatologie, je l'ai vécu comme un choc (je l'expliquerai sur mon blog "une naissance si différente"). Fini les couleurs, de rares mobiles perdus dans les couloirs. Des boxs "blancs hôpital" de 4 à 5 couveuses (soins intensifs) serrées les unes près des autres, un ou deux fauteuils à se partager entre les parents, pas de chevet comme tu parles (on posait souvent nos affaires par terre). Cela me rappelait plus les dortoirs des colonies de vacances il y a trente ans. Pour la déco toujours possible : où l'accrocher ? Pour la musique, ce n'est plus la même intimité à 5...Quand aux toilettes et visites de la fratrie, permises en réa, bânie aux soins intensifs. Bref pour moi, un grand retour en arrière. Sans parler des rotations de personnel bien plus fréquentes...
Rédigé par : Isabo | 29.05.2007 à 10:40
Bonjour,
je vais très régulièrement sur votre blog lire votre histoire.
Cela a du être une grande épreuve pour vous et votre famille.
Cela fait maintenant plusieurs mois que je me connecte pour connaitre la suite de votre histoire et depuis quelques temps vous n'écrivez plus.
Comment vont vos filles ?
Et vous et votre famille ?
A bientôt sur "ramener la lune".
Ludi.
Rédigé par : Ludi | 10.12.2006 à 14:49
Bonjour Valérie,
je suis depuis quelques temps votre blog pour ne savoir plus sur vos petites filles. J'attends avec impatience la suite de vos aventures en néonat.
je suis moi-même maman de deux petites prémas, Clémence, 3 ans, née à 34+4sa et Agathe, 13 mois, née à 31+5sa.
Nous avons la chance que tout se soit toujours très bien passé pour nos filles même si je retrouve quelques épisodes communs entre nos grossesses et nos vécus de parents de prémas.
Mettrez-vous un jour des photos de vos filles sur le blog? Et une de votre grand garçon si courageux?
Cordialement
Catherine
Rédigé par : Catherine | 07.12.2006 à 21:12
j'ai eu les larmes aux yeux et senti le temps qui passait à continuer à vivre sans elles avec cette fragilité menaçante, persistante ... quel bonheur quand tu les as prise dans tes bras la première fois ...
Rédigé par : def-line | 29.11.2006 à 22:05