Dans cette "grande chambre" sont réunies nos filles dans leurs couveuses avec un écran de contrôle au dessus de chacune d'elles. Un morceau de tissu recouvre en partie leur nouveau "nid" pour les protéger de l'éclairage artificiel. Ce n'est pas tant la lumière qui domine mais les bruits qu'enregistrent les scopes (les écrans) émettant des bips plus ou moins réguliers. A côté, la porte ouverte donne sur le pôle central du service, où des écrans relais leur permettent de tout visionner. Nous sommes un peu désemparés devant tant de technologie, les pédiatres nous ont rejoint ainsi que l'homme en vert, je m'approche de Camille et mon mari d'Elena. Elles sont si petites...
Nous avons un peu de mal mal a parler, je les voie, totalement dépendantes des machines et de leur incubateur qui assure une chaleur constante, j'ai l'impression qu'elles finissent leur développement ici, le néonatologue me reprend "elles sont nées à présent et elles ont besoin de vous, de vous sentir, de vous entendre" nous osons alors ouvrir les hublots des couveuses et les toucher du bout des doigts, tout en leur parlant doucement. On nous explique le rôle de chaque matériel.
Pour respirer, elles sont aidées par un masque (l'infant flow). Trois électrodes sont placées sur la poitrine et reliées au cardioscope enregistrant le rythme cardiaque et la respiration. Un prématuré n'est pas assez "mûr" pour respirer comme nous le faisons sans y penser. Parfois il "oublie" c'est une apnée, un bip sonore avertit un soignant qui arrive au pas de course, pour chatouiller le bout du pied afin que le petit étourdit reparte...moment particulièrement stressant pour les parents, dont les yeux restent rivés sur l'écran plusieurs secondes lorsque cela se produit...
Une autre électrode placée sur le buste permet de connaître en permanence la température du bébé. Un capteur de saturation avec une petite lumière rouge permet d'enregistrer et de surveiller le taux d'oxygène du sang, relié lui aussi au cardioscope, avec une alarme également lorsque le niveau chute. Ce capteur est source d'inquiétude mais de joie lorsque sur l'écran le chiffre de la saturation affiche 100, lors d'un peau à peau avec papa ou maman par exemple...
Le cathéter permet de recevoir les perfusions qui aliment le bébé au début et à recevoir les médicaments. Les premiers jours il est posé dans l'ombilic puis dans une veine du bras ou de la jambe.
La sonde gastrique, petit tube placé dans une narine ou dans la bouche, elle permet de vérifier le contenu de l'estomac et plus tard de nourrir le bébé. Elle est collée sur la peau avec des petits sparadraps, les "moustaches".
Toutes ces explications nous permettent de mieux apréhender leur équipement, nous apprenons aussi que tout est fait afin que le bébé se sente le mieux possible, entouré par un drap roulé, formant un cocon, et au bout duquel le petit en flexion peut appuyer ses pieds. Cette sensation d'être "contenu" est primordial afin qu'il sente les limites de son corps. Nos filles sont ainsi installées, bien "réunies", cependant le ventre de Camille creuse de mainère impressionante, à chaque expir. Ses poumons n'ont pas la couche huileuse qui devrait les recouvrir et garder un peu d'air en réserve, le surfactant. Elle continue d'être surveillée étroitement pour cela, nous avons mal de la voir peiner ainsi.
L'impuissance devant nos propres enfants est difficile à vivre, pour l'instant nous ne pouvons leur apporter que notre présence aux heures de visite. Nous changeons de couveuse avec mon mari et donc de bébé, Elena semble dormir, je m'adresse à elle tout bas. Comment pourront-elles comprendre que leurs parents c'est nous, nos paroles suffiront-elles ?
Le bilan de l'équipe médical est assez satisfaisant avec le peu de recul que représente une journée de vie, leurs poids de naissance nous sont communiqués, 1,620 kg pour Camille et 1,120 kg pour Elena, elles ont dépassé les 1 kg...chaque gramme sera une étape vers la sortie...
Un peu assommés par cette rencontre et toutes les informations reçues, nous disons au-revoir à nos petites et quittons le service. Une puericultrice me remet un petit livret d'informations (dont les explications sur le matériel sont extraites), il s'intitule "Je vous parle, regardez -moi", l'enfant prématuré : mieux le connaître, mieux le comprendre...
Elle me note le numéro de téléphone du service, nous pouvons appeller à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit...
Retour dans le SAS, j'ai l'impression qu'un monde me sépare de mes bébés.
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