Arrivée dans la chambre, les premières larmes peinent à couler, trop de douleur depuis trop de temps, elles ne m'apportent aucun soulagement. Dehors les fortes pluies s'accentuent, le soir tombe. Mes parents gardent notre fils, mon mari les prévient par téléphone que c'est grave mais qu'il veut ne pas en parler devant lui. Je les rappellerai dans la soirée, une fois qu'ils seront rentrés chez eux.
Accablés par cet aprés-midi, nous nous reformulons sans cesse nos interrogations, ces bébés seront-ils normaux ? quelles séquelles peuvent-ils garder d'une telle maladie, de toutes ces souffrances ? le plus petit va-t-il pouvoir vivre (sa vessie ne fonctionne plus, on ne la voit plus) ? que diront nous à son frère ou à sa soeur si il ne survit pas ? quelle sera notre vie aprés ?
Il n'y a pas de "bonne solution", aucune garantie sur le devenir de ces enfants. Il y a juste la réalité et je n'arrive pas encore à l'accepter.
Je finis par convaincre mon mari de rentrer, nous sommes éreintés et un petit bonhomme de quatre ans l'attend.
Je reste seule.
Une sage-femme vient me chercher pour m'accompagner pour une nouvelle écho. Elle me parle trés gentiment, elle débute dans la profession. Assises dans le couloir, elle me demande si j'ai d'autres enfants, je pense à mon petit et là les larmes trop contenues sortent d'un coup, elle est désolée, se confond en excuses, et je n'arrive pas à lui dire qu'elle n'y est pour rien.
Je retrouve la jeune obstétricienne, nous sommes toutes les deux cette fois, l'écho va durer trés longtemps, elle va effectuer des dopplers couleurs afin de voir comment le sang circule, mon "nageur" gigote malgré la forte pression sanguine qu'il reçoit et celui qui n'a plus rien bouge quand même dans le peu d'espace qui lui reste. Elle a beaucoup d'assurance dans ses gestes et semble trés sûre d'elle, trés concentrée sur ce qu'elle fait.
Elle viendra me voir demain matin.
La nuit noire masque maintenant la pluie.
Un immense sentiment de solitude mélé à l'angoisse, se diffuse en moi et me déchire le coeur, dans cette chambre d'hôpital glacée et sans âme, ce qui se passe là, dans mon corps, ce n'est pas possible...
"L'Espoir, vaincu pleure,
et l'Angoisse atroce, despotique,
Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir."
(Ch. Baudelaire extrait de Spleen, Les fleurs du mal)
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