Lumière vive, des silhouettes vêtues de vert chirurgical.
Je vois les médecins suisse et asiatique, l'anestésiste venu me questionner une heure avant, le professeur s'approche au-dessus de mon visage, baisse son masque et me dit "c'est moi", je l'avais déjà reconnu.
Ils installent le champ opératoire, la péridurale, prennent chacun leur place, la jeune médecin suisse et le professeur en face des écrans. Je suis un peu dans le brouillard.
L'anestésiste me cale un petit coussin sous la tête, il ne faut pas que je bouge, je ne parviens pas à me détendre à cause de mon dos. Le petit coussin va être déplacé plusieurs fois pour que j'ai le moins mal possible. Cet homme dont le métier est d'endormir reste prés de moi à hauteur du visage et à un moment me pose sa main sur la joue. Un vrai geste humain au milieu de la technique de micro-chirurgie in utéro...dérisoire mais si important...
J'entends à présent la voix du professeur guider son assistante. C'est un peu irréel, je ressens de la chaleur dans le ventre, j'essaie de ne penser à rien.
Laser par foetoscopie :
Par une simple incision à quelques centimètres du nombril, Une aiguille avec un petit télescope et une fibre laser (aussi fin qu'un laser optique) est introduite dans le sac de liquide amniotique du transfusé, le laser coagule les artères communicantes (anastomoses), séparant ainsi les circulations entre les foetus. (Cette technique a ses limites, suivant, l'opacité du liquide, l'emplacement du placenta, des anastomoses trop fines pour être détectées)
Tout a l'air de se passer normalement mais il règne une grande tension. Peu de temps avant que le geste soit terminé, je demande "Es-ce bientôt fini" le professeur me répond "je vais vous dire ce que je dis à mon fils quand il me demande si l'on est bientôt arrivés : Bientôt"
Tout le monde bouge, sauf moi, l'anestésiste ramène un simple seau, l'excés de liquide amniotique va couler dedans, sous la pression manuelle qu'exerce la médecin suisse sur mon ventre. L'ambiance est plus détendue. Il va vider le seau dans un évier. Trois litres vont m'être enlevés. C'est la limite maximum qu'ils se fixent. Elle me dit qu'ils auraient pu en enlever encore tant il y en avait, et s'enquiert de savoir si mon dos me fait moins souffrir, effectivement la douleur s'est atténuée. Le liquide est essuyé et on me fait un pansement carré. Le jeune médecin asiatique me dit "vous avez été trés courageuse madame". Voilà c'est terminé.
Je suis à présent glacée et claque des dents. On me sort alors rapidement du bloc, on me recouvre d'une couverture.
Enfin le professeur s'approche et m'annonce que cela s'est trés bien passé. Je craque et fonds en larme, trop de tensions et d'évènements dans la même journée depuis ce matin où nous avons décollé de Nice...
Mon mari est là derrière les portes, il a déjà vu le professeur. Il contient son émotion.
En attendant dans le couloir, une infirmière se dirigeait dans sa direction avec du matériel de réanimation cardiaque, il a eu trés peur que ce soit pour moi, c'est son pas tranquille qui l'a rassuré et puis il a apperçu une couveuse sortant d'un autre bloc, toute enrubannée de blanc et le personnel soignant l'emmenant à vive allure...Grossesses à Hauts Risques, ce service porte bien son nom...
On m'installe dans ma chambre, "cela s'est trés bien passé"...
Je suis maman de jumelles monozygotes(grossesse monochoriale biamniotique), autant te dire que ton histoire me touche au plus haut point...
A ce stade du récit, je ne peux que croiser les doigts et vous souhaiter du courage(? a-t-on vraiment le choix??)
Merci en tout cas de votre témoignage.
Rédigé par : Agathe | 26.09.2006 à 10:50